A propos de l'Utopie Domestique

Pascale WEBER, géographe du quotidien

Pascale WEBER, géographe du quotidien

Par Delphine Gigoux-Martin, 

(L’Utopie domestique – Objet(s) de la rencontre, catalogue de la résidence d’artiste de Pascale Weber à Vidéoformes de sept 2003 à sept.2004, éd. Un- Deux- Quatre, Clermont-Ferrand, 2004.76 p.)

Pascale Weber arrive chez vous, dans votre famille. Elle pose une petite valise bleue, déjà encombrée des objets donnés par les autres familles. Parce qu’il y a eu d’autres familles : 12 familles en 12 mois. Pascale Weber s’installe chez vous avec discrétion, mais le calme et l’organisation de la famille sont modifiés, l’artiste fait difficilement parti d’un quotidien… Paradoxale situation, où l’artiste cherche à se fondre dans un quotidien qui n’est pas le sien, et où une famille cherche à observer et comprendre un champ d’action qui n’est pas son quotidien. Et puis, petit à petit, l’artiste trace son territoire, celui d’un espace artistique, à l’intérieur de celui de la famille par définition déjà bien établi et conservateur.

Dés le début l’artiste prend beaucoup de photos des objets de la maison. Elle se limite à ne prendre en photo que ces petits bouts du quotidien ; et l’on aime à penser que Pascale Weber, tout comme le héros de Mystery train de Jim Jarmush, ne photographie que ce qu’elle va oublier… et l’artiste capture par petits bouts des représentations de cette vie de tous les jours. Décloisonnés de leurs contextes familiaux, les objets retombent dans le schéma artistique de la nature morte, et ne sont un lien affectif et de mémoire que pour l’artiste et la famille concernée. Le travail de Pascale Weber, dans cette résidence, oscille entre deux mémoires, l’une privée et l’autre publique en référence avec le monde de l’art ; deux territoires définis que l’artiste cherche, non pas à confronter, mais à vivre. Il ne s’agit pas là d’une curiosité malsaine ou d’une morale familiale appliquée à l’encontre de l’artiste, mais d’établir des territoires, d’action et de réflexion, souples, dont les frontières imperméables rendent possible la rencontre. Il convient alors d’admettre que l’intimité est le meilleur champ d’investigation. Et l’intimité crée le privilège.

Cependant, Pascale Weber à la fin de l’année expose les travaux nés de cette résidence. Elle rend donc publique son expérience et ses rencontres familiales et offre son espace de création à tous les regards. Les familles successives se retrouvent réunies autour d’un banquet, que l’artiste, en bonne hôtesse, a préparé avec soin. Cette partie de l’exposition est un espace privé et construit à l’intérieur de l’exposition. Ne peuvent goûter au banquet que les familles d’accueil ! Luxe et privilège ! Des territoires sont remis en place dans l’espace – au départ neutre – de la salle d’exposition, et chacun recherche son espace, son territoire dans celui de l’artiste. La situation est renversée, l’artiste pique la curiosité du spectateur et l’incite à participer à la création : il fait désormais parti du champ artistique, et cherche pour lui-même son propre territoire et sa définition.»

© Delphine Gigoux-Martin, Pascale WEBER, géographe du quotidien.

 

Article #2 :Retour aux sources…

Retour aux sources… 

par Valentine Cruse,

in Turbulences Vidéo #65, Décembre 2003.

En quête de vérité, l’artiste aventurière, Pascale Weber, arrête sa course et pose son bagage pour explorer l’intime. […] Accueillie quelques jours, d’un foyer à un autre, depuis septembre, son voyage, pourtant, continue : À la découverte des particuliers, de  leur maison, leur vie… Telle une peintre d’intérieur, Pascale note, photographie, filme le quotidien de ses hôtes, et renouvelle ainsi, en conquérante, la tradition des scènes de genre. Son regard précis, attentif, donne valeur et poésie aux documents glanés. 

[…] Une  valise, aménagée comme un petit intérieur, accompagne ses déplacements. Au fil des semaines, son contenu évolue :  une fillette lui donne des décalcomanies pour la décorer, une femme de vieilles dentelles de famille… Invité à contribuer, l’hôte devient, à son tour, acteur, visiteur d’un site, créateur d’un musée portatif. 

Instants précieux, secrets enfouis, souvenirs de vacances…, les histoires s’accumulent. Objets, espaces et temps privés s’exposent, prennent la parole. Pascale, notre conteuse, tisse les liens entre art et vie. D’autres l’ont fait, elle cite : Fluxus, Kurt Schwitters, Boltanski, Annette Messager, Jonas Mekas, Mona Hatoum, Sophie Calle… se réfère à l’exposition Peintres du Nord en voyage dans l’Ouest (1860-1900), visitée au Musée des Beaux-Arts de Caen, l’été 2001.

Mais que voulez-vous faire chez nous ? Observée, sublimée par l’affect, l’imaginaire, la cellule domestique reflète ses habitants, comme leur lien avec le dehors. À la fois miroir et fenêtre ouverte sur le monde, l’habitat raconte ses propriétaires. Si la démarche intrusive de Pascale Weber peut atteindre la pudeur, elle n’est pas voyeuriste, et interroge l’existence, sa re-présentation, ses valeurs. Besoin de revenir aux sources, à l’origine, au foyer, la mère. Grâce à Pascale, l’art ouvre la porte, permet l’accueil, la rencontre, définit une place à table, favorise la communion… Faut-il donc prétexter l’art pour goûter au partage ?

Valentine Cruse, Retour aux sources…(Turbulences Vidéo #65, Décembre 2003)