Le corps à l'épreuve de l'installation-projection

Les installations-projections interrogent l’objet, la technologie, le corps sensible et leurs interrelations. Elles ne concernent pas spécifiquement la vidéo ou la photographie, mais empruntent au spectaculaire, aux fantasmagories, au cinéma expérimental… Le medium n’est plus symptomatique d’un outil et renvoie à l’exercice de l’installation dans un lieu transfiguré par l’image projetée, se substituant à celle du lieu. Que le projet soit ou non conçu in-situ, sa réalisation relève d’une logique de confrontation entre le corps, machine à éprouver et le lieu, machine à vivre. Le sensator, dont le corps apparaît comme seul lieu d’une possible et commune expérience, considère les conditions de sa perception. Ainsi s’affirment une proximité collective, pendant de l’impersonnelle intimité des foyers, un dispositif topographique à multiples strates, refusant toute forme univoque.

Librairie « La Procure » :

Visible de plus en plus souvent dans l’art contemporain, les installations-projections sont des oeuvres qui prennent leur sens avec la lumière, le mouvement de l’image et la projection du spectateur dans un autre espace-temps. Cet ouvrage tente de définir ces oeuvres, leur évolution entre confusion et profusion et leur symbolique de cloisonnement. ©Electre 2024

Art Press

Surgies d’une filiation historique hybride au carrefour des spectacles de fantasmagories ou de lanternes magiques et des arts plastiques, les «installations-projections» articulent l’hétérogène dans l’espace et dans le temps. S’écartant des catégories de «l’installation vidéo» ou de «l’installation multimedia», trop marquées par l’outil, Pascale Weber appréhende la démarche singulière des «installations-projections» comme une mise en espace relationnelle des objets et des images où le corps du visiteur est immergé dans une œuvre qui le prend à partie.
L’écriture de ce livre et les œuvres qu’elle parcourt se rencontrent sous le signe de la dissémination. De la scénographie de la boîte noire, associée à la photographie, où s’éprouvent les figures du concave, aux projections lumineuses phagocytant corps et nouvelles technologies, «l’installation-projection» fraye un étrange parcours de mémoire dans l’histoire de l’art, entre réminiscence et anticipation, métamorphose du passé et laboratoire du futur, où s’inventent des relations transversales aux différents champs artistiques, particulièrement entre arts visuels et arts de la scène.
Le corps à l’épreuve de l’installation-projection fait découvrir un art majeur non tempéré, sans le sortir de l’ombre dont il tire ses effets perceptifs sur le corps du «sensator», celui à qui l’œuvre n’advient plus comme spectacle ou comme visite mais comme expérience, non sans risquer, parfois, d’en être le cobaye. Cet espace clos de l’expérimentation sensorielle est en butte aux mitoyennetés dans l’espace muséal institutionnel avec lequel il entretient une relation ambivalente. Sur les pas du land art, l’œuvre ne cherche plus à occuper un lieu mais à constituer ce lieu, comme un espace à habiter par le corps du «sensator».
Isabelle Rieusset-Lemarié

Novembre 2003